Article du magazine Aladin

Maison salamandre dans le magazine Aladin

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Maison salamandre - Un Mariage de gout (article du magazine Aladin)

Un lundi matin en banlieue parisienne. Dans la boutique-atelier de Maison salamandre résonnent les coups de marteau. L'ambiance est au travail, concentré mais joyeux. Nous sommes chez Valérie pizzi, spécialiste en tapisserie et, selon ses mots, en «relooking chic». En bon français : comment transformer un siège ancien défraîchi pour le mettre au goût du jour, lui redonner un nouvel élan, une nouvelle jeunesse. C'est le quotidien de Valérie, qui restaure et retapisse les sièges apportés par des particuliers. Des stages et des cours sont organisés, sous l'œil bienveillant et attentif de la dynamique maîtresse des lieux, pour ceux qui choisissent de le faire eux-mêmes. Ce jour-là, nous faisons la connaissance d'Angela, qui travaille "dans les produits financiers» et qui a obtenu une formation de son entreprise. Une élève des plus assidues, Angela. «J'ai trouvé, à la vente annuelle de la Croix Rouge de Houilles, quatre chaises en mauvais état. Je leur redonne vie », s'enthousiasme la stagiaire, qui a déjà à son actif une pléiade de sièges, dont un fauteuil anglais tapissé de tissu rose, un autre avec une fleur sur le dossier (voir photos)... Des centaines d'heures au total ! «/e voulais faire ça depuis toute petite, mais ma mère trouvait que c'était un métier d'homme. Aujourd'hui, je m'éclate», ajoute Angela. Les stagiaires ? «Surtout des femmes, et quelques hommes, entre 25 ans et 67 ans. En moyenne, la cinquantaine», précise Valérie, professeur très appréciée. Environ 25 élèves se succèdent en cours particulier (45 euros l'heure) ou en groupe, en semaine et surtout le week-end, pour les séances collectives. «En réalité, le coût est à peu près le même si je réalise la tapisserie ou si le travail est fait dans le cadre d'un stage. Mais le travail est très physique et il faut être volontaire.», avertit Valérie. «J'ai l'exemple de deux élèves qui ont voulu se lancer dans l'expérience sans véritable conviction. Elles n'ont pas terminé le travail et m'ont demandé de le finir... Il faut le faire avec intérêt, avec passion. Ce n'est pas un loisir créatif, au contraire.» Tout commence en général par la confection d'un tabouret carré qui permet au stagiaire de s'initier et de repartir avec. Et, last but not least, de l'utiliser s'il souhaite ensuite réaliser d'autres sièges... Il faut en moyenne 20 à 25 heures, pour un coût de quelque 360 euros. Les élèves savent alors s'ils ont le désir de continuer dans cette voie... Grâce à un site Internet attractif et une bonne réputation, la boutique ne désemplit pas et Valérie accueille de plus en plus d'élèves et de clients.

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Impression dans les fibres


Après les stagiaires et élèves, les amateurs sont nombreux à confier leurs trouvailles de brocante ou leurs vieux meubles de famille aux mains expertes de Valérie. Face à la demande, celle-ci accueille au sous-sol deux stagiaires en CAP ou Bac pro pour l'aider au garnissage et au ponçage. Le sous-sol regorge de sièges en tout genre, dont un vieux fauteuil autrichien d'Hoffmann, «laissé là par un marchand norvégien qui va m'en apporter d'autres dès le dégel et la fin de l'hiver...».

L'un des points forts de la boutique de Valérie : un éventail très riche de tissus. Sur les étagères, de nombreux catalogues de maisons spécialisées comme la Maison Lelièvre. Sa préférée est la marque flamande Designers Guild. «Leurs tissus tiennent jusqu'à 100 000 tours, avec des impressions dans les fibres. Ils sont très forts dans les gris. Ça ne bougera pas avec le temps.». Ces tissus sont testés selon la méthode Martindale : une machine soumet un échantillon à une force abrasive tournant par séquences de 5000 tours. Un bon tissu doit résister déjà à 35 000 tours ! «Les tissus vendus au marché Saint-Pierre à Paris, même s'ils sont souvent très beaux, ne sont pas assurés d'une telle qualité de résistance. Il serait dommage qu'une belle réalisation ne résiste pas au temps ; je préfère ne pas m'y risquer. » D'où un choix, ici, de tissus qu'on trouve rarement ailleurs, non seulement très solides, mais aussi renouvelés chaque année pour le plaisir et pour rester dans les tendances. «Lorsque des clients apportent leur tissu, je demande à le tester avant de travailler», prévient la jeune femme.

Le plus apporté par Valérie reste le conseil. «Je ne suis pas décoratrice, sinon décoratrice en sièges», raconte celle qui possède un 3e cycle du marché de l'art, obtenu à l'IESA, et une formation en tapisserie et restauration du bois. Elle a aussi participé à un livre de référence sur le décorateur-ébéniste Art déco Leleu - établissant, avec des dessins aquarellés, un répertoire des modèles pour aider les antiquaires - et travaillé au Musée des Années 1930. Les clients, souvent, lui

montrent une photo de leur intérieur ;-parfois, elle se rend chez eux. Ensuite un dialogue se noue, pour trouver ensemble ce qui sera le plus approprié en fonction des goûts, des attentes et des contraintes du meuble.

Valeur sentimentale



«Mon client, ce n'est pas la personne, mais le fauteuil»,lance Valérie pizzi. Au point de refuser parfois les .désirs extravagants des clients. Comme celui-ci qui voulait repeindre en blanc un superbe fauteuil Directoire d'époque... Un sacrilège En général, Valérie Pizzi s'efforce de refaire le bois, par exemple lui donner une patine nougatine pour lui apporter du lustre, du relief.
Contrairement aux purs tapissiers, elle intervient . aussi sur la structure du fauteuil, sur le bois, qu'elle ne laissera jamais en mauvais état avec untissu refait. Il faut «moderniser sans altérer», dit-elle. Ses clients sont divers : ils viennent de trouver en brocante un vieux fauteuil au tissu désuet et abîmé, d'autres - sentimentaux - souhaitent transmettre à leurs enfants les sièges de leurs grands-parents... remis au goût du jour. Une de ses élèves va mettre sur un modèle, un tissu à filets argentés sur du blanc... Tout est permis, à condition de rester dans le bon goût.

À déconseiller : un tissu trop épais sur une petite chaise, ou l'inverse, mélanger textures, couleurs, marques, motifs... Mieux vaut garder un fil conducteur et s'assurer de la qualité du travail - un tissu bien tendu par exemple. Les rayures sont à la mode : pourquoi ne pas placer un tissu uni derrière et rayé devant ? Côté couleurs, on restera dans la même gamme de ton, la même hauteur. De toute façon, pour les projets les plus fous, Valérie fait des croquis ou utilise Photoshop pour se figurer le résultat final et éviter les mauvaises surprises. «Le résultat est généralement intemporel. Mais il ne faut pas tomber dans le kitch. Si la proposition de tissu est forte, on ne va pas trop travailler le bois. C'est comme une femme qui se maquille beaucoup les yeux, elle ne doit pas surcharger sa bouche ! Il faut y aller en finesse.».

Du bois, du crin et des idées


Une cliente a fait faire une méridienne tapissée d'un extérieur rouge orangé et d'un intérieur violet. Le bois, dans ce cas audacieux, reste au naturel. À la fois classique et moderne ! Un couple est venu à l'atelier avec l'idée de'refaire un voltaire avec des rayures. Ils se disputaient pour s'asseoir dessus... Après en avoir trouvé un autre, ils ont opté pour une version différente, plus féminine. Ainsi, chacun avait le sien ! Les fauteuils voltaires, confortables, accueillants, ont la cote, comme la production Napoléon III, fin XIXe, abondante sur le marché. Reste quelques préventions. Va-t-on dénaturer le siège ? Va-t-il perdre de sa valeur ? «Au XIXe siècle, c'était le fauteuil qui comptait. Le bois d'un fauteuil de jacob est important. Il faut savoir qu'un fauteuil refait à l'ancienne, comme ici en crin, et non en mousse, aura plus de valeur». Pour simplifier, plus le prix d'acquisition du fauteuil est bas, plus cela vaudra la peine de le faire retapisser et de débourser quelques centaines d'euros. En revanche, un bel exemplaire très ancien du XVIIIe siècle nécessitera plus de soins. En général, la tapisserie existante a peu de valeur, sauf si elle est historique ou d'une provenance rare... Ultime argument : les voltaires produits actuellement Faubourg Saint-Antoine à Paris offrent une assise en mousse... quand un beau fauteuil ancien refait chez Valérie coûtera le même prix avec une assise en crin faite pour durer. Aucune hésitation.

Le Coût

 Refaire un voltaire classique avec le tissu vers l'extérieur, sans démontage de la garniture, sans toucher au bois, coûte 300 euros hors tissu, avec un galon. Poser des clous, argentés de préférence, rajoutera 40 euros. Les tissus valent au mètre linéaire (souvent suffisant) de 80 à 130 euros. 


Conseils d'achat

La prudence s'impose quand on achète un siège en mauvais état, sur une brocante ou dans un vide-greniers... Voici quelques conseils de pro.

Vérifier si les sangles du dessous ne sont pas trop bombées : le fauteuil doit être plat. Il faut s'asseoir dessus : s'il est mou, on se méfiera, car les ressorts risquent d'être déficients. L'assise ne doit pas être bombée non plus. «J'en vois arriver gonflés comme des brioches, les sangles ont cédé, tout doit être défoncé», note Valérie. Le bois ? S'il est décollé, s'il porte quelques trous, des manques de placage, une restauration est possible. Les décollements se refont facilement ainsi qu'une garniture défoncée. En revanche, attention aux vers ! On regarde souvent les pieds piqués sans voir que toute la structure de l'assise est ravagée. On le découvre en enlevant la garniture. Retournez le fauteuil pour voir les pieds et la ceinture. Secouez : si de la poudre tombe, les vers sont encore là. Observez aussi si les trous de vers sont clairs ou pas. Si l'intérieur du trou est sombre, le bois s'est oxydé, ou a été ciré. Cela signifie qu'il y a bien eu une attaque d'insectes xylophages à une époque, mais que la situation est stabilisée. On peut acheter sans trop s'inquiéter. Si le trou est clair, alors il risque de s'agir de trous d'envol assez récents. Très embêtant car le fauteuil est attaqué. Une fois chez vous, vous risqueriez de vous retrouver avec des insectes s'attaquant aux autres meubles. Les larves sortent en avril et en mai. Elles peuvent rester à l'état de larves trois à cinq ans, mais éclosent à une température douce. Regardez enfin autour des pieds, les taquets. Grattez-les, ils sont souvent mangés. Évitez les pieds cassés : difficiles à refaire, ils ne seront jamais aussi solides que des exemplaires entiers.

Article d'alexandre crochet