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estampilles
Qu'est-ce que c'est exactement ?
En 1744, des statuts stipulent que les maîtres d'ébénisterie sont obligés d'avoir leur marque particulière et que le maître qui prête sa marque encourt une amende.
Le but de cette imposition est de pouvoir contrôler toute la production parisienne, y compris celle des ateliers royaux (Louvre, Gobelins, Arsenal) et celle des ateliers libres, visant particulièrement ceux du faubourg Saint Antoine dont la production est considérable.
Mais cette mesure est inégalement suivie d'effet et certains maîtres estampillent peu ou pas leur production. Plusieurs raisons à cela : soit le maître veut éviter de payer la taxe de marquage, soit il veut marquer son indépendance (s'il est couvert par un privilège royal) soit encore il préfère garder l'anonymat bien souvent à la demande express des marchands-merciers peu désireux de divulguer l'origine de leur marchandise.
C'est pourquoi un meuble non estampillé peu très bien être un meuble de qualité d'exception et que ce n'est pas l'estampille qui fait la valeur du mobilier, bien que certains marchands cherchent parfois à le faire croire, quitte à apposer eux-mêmes la dite estampille.
Allons plus loin : un arrêt du Parlement du 4 février 1762 constate que les meubles livrés aux particuliers en direct ne sont presque jamais estampillés. Alors que depuis le XVeme siècle le pouvoir royal tente d'imposer une marque afin de contrôler la production et de percevoir une taxe (lettre patente de 1467 tombé dans l'oubli), cette fois il est aidé par les corporations qui par cet article espère empêcher les fraudes. Mais une fois encore c'est un échec.
En quoi consiste l'estampille ?
L'estampille est en quelque sorte la signature de l'ébéniste, elle permet d'authentifier avec certitude l'auteur de l'ouvrage.
L'outil utilisé pour l'estampillage est un poinçon en acier coulé d'une seule pièce, qui porte sur une de ses extrémité les initiales du ou des prénoms et le nom du maître ? Les lettres sont en fort relief et à arrêtes vives pour bien marquer le bois.
Le maitre applique le poinçon sur le bois (souvent un élément0 du bâti) et frappe l'outil d'un fort coup de marteau. La hauteur des lettres, généralement en caractère romains, varie de 4 à 10 millimètres, les hauteurs les plus courantes se situant entre 4 et 6 mm. Dans ce cas le nom est remplacé par des initiales : R.V.L.C et B.V.R.B sont les exemples les plus connus (puisqu'il s'agit de Roger Vandercruse dit Lacroix et de Bernard Van Risamburgh)
Souvent à coté de l'estampille des maîtres se trouve la marque JME : c'est le poinçon de contrôle appelé « marque de maîtrise » dont les initiales signifient « jurés-maîtres-ébénistes » et non pas « jurande des maîtres ébénistes » comme cela est dit couramment.
Ce sigle apposé sur un meuble atteste qu'il a été examiné et agrée par les jurés. Ces derniers devaient veiller à la production parisienne en visitant les ateliers de la capitale (tous les ateliers, des faubourgs aux ateliers libres) quatre fois par an. Les ouvrages non conformes étaient confisqués, vendus et les jurés percevaient à chaque visite une redevance de dix sols dont ils conservaient la moitié.
Certains meubles étaient marqué de la même estampille en plusieurs endroits : par exemple Riesener marquaient ses commodes sur la tête de chaque montant ce qui faisait quatre estampilles. Mais l'on peut aussi trouver des meubles estampillé J.F. Oeben et Riesener car ce dernier a succédé à Oeben en épousant sa veuve. N'ayant pas sa maîtrise il a continué a utilisé l'estampille d'Oeben jusqu'en 1768 date à laquelle il fut reçu à la maîtrise.
Deux estampilles différentes peuvent aussi être la résultante d'une association dans la réalisation d'un meuble : ainsi sur une commode décorée de pierres dures vers 1786 on trouve les estampilles de Carlin et de Weisweiler.
Il peut également s'agir de l'estampille du fabricant à laquelle vient se rajouter celle du maître qui a réparé ou transformé le meuble. Ou encore la première estampille peut être celle du fabricant et la seconde celle de l'ébéniste marchand comme Migeon et Boudin, ébénistes réputés qui faisaient également commerce de meubles. Les exemples sont trop nombreux pour les citer tous.
La place des estampilles varie selon la nature des meubles mais aucun emplacement n'est imposé. Cependant d'une manière générale l'on peut dire que sur les commodes, les secrétaires et les encoignures elle se trouvait sous le plateau en marbre, soit sur la tête du montant soit sur une des traverses.
Sur les bureaux ou les tables, elle était appliquée sous la ceinture ou sur le bord d'un tiroir, enfin sur les sièges on l'appliquait sous la traverse avant ou une des traverses latérales. J'ai vu des sièges portant des estampilles apposée sur la ceinture à l'arrière, directement sur le bois visible sous le dossier : attention méfiance, il est rare qu'un ébéniste marque ainsi son siège, cela est part trop visible, si en plus l'estampille est légère et peu enfoncée... cela sent le faussaire !
Ainsi,je ne le répétera jamais assez l'estampille n'est pas un gage d'authenticité ! Il ne faut pas négliger le fait que les meubles estampillés furent fabriqués entre 1751 et 1791 et sont donc bien souvent dans les musées ou les collections privées. Il ne faut pas oublier non plus que la plupart des meubles fabriqués durant cette période ont été saisis, vendus ou détruits pendant la révolution. Plutôt que de se focaliser sur l'estampille, être plutôt attentif à la « pate » du maître, à sa façon qui ne peuvent pas être imitées. Vous le comprendrez le travail d'un expert nécessite une bonne connaissance des meubles, de la façon dont on les a fabriqué, des styles de mobilier mais aussi de l'histoire.
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Pour en savoir plus, se reporter aux ouvrages des auteurs suivants :
- Le Comte de Salverte,
- Pierre Kjelleberg,
- Jean Nicolay,
- Claude Bouzin...